Groupe d'Etudes |
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Spelunca n°88 - 3ème
trimestre 2002 Vire et passage de
vire |
Rémy
LIMAGNE |
INTRODUCTION
Un puits à traverser, un équipement hors crue à réaliser… et voici la fameuse "vire" qui apparaît sur la topo et la fiche d'équipement. Comment définir ce type d'obstacle ? Quelle est la différence avec une "main-courante" ? Pas si simple ! Dans les deux cas, il s'agit d'une corde subhorizontale, présentant de multiples points de fractionnement. On pourrait dire que sur une main courante on progresse assuré par ses longes, alors que sur une vire on progresse pendu sur ses longes… la seconde s'avérant nettement plus "aérienne" que la première. Alors, comment mettre en place une vire ? Comment la franchir ? Comment gérer un éventuel incident sur cet équipement ? |
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1. Equipement d'une vire.
Dans la mesure où une vire constitue un passage long à équiper, on va très vite considérer qu'elle peut "rester équipée pour la prochaine fois". Et nous voici devant un équipement fixe permanent ! Le club qui le réalise devra donc bien prendre en compte le fait que d'autres vont progresser sur son équipement : il doit être parfaitement fiable, et durable. |
1.1. Matériel :
Pour une plus grande longévité de l'équipement, on aura intérêt à opter pour des amarrages en inox. Par exemple l'association goujon de 10mm et plaquette inox offre une résistance supérieure à 20 kN qui permet d'avoir la conscience tranquille. Pour relier la corde à l'amarrage, on utilisera de préférence le maillon rapide, en inox également. Par rapport aux mousquetons, ils présentent deux avantages : ça ne se vole pas, et surtout on pourra les ouvrir avec une clé de 13 quand il sera temps de changer la corde. La corde : attention, elle sera soumise à rude épreuve ! L'équipement fixe d'une vire ne doit pas être l'occasion de se débarrasser des vieilles cordes réformées du club… C'est bien ici que le diamètre 10,5mm trouve sa place. Par contre, il n'est pas nécessaire de prévoir une unique grande corde pour toute la vire, des petits bouts peuvent parfaitement être reliés dans les amarrages. Penser qu'on utilise facilement 80cm pour un nœud en huit : pour une vire de dix mètres avec dix amarrages, il faudra donc prévoir au moins 18 mètres de corde. |
1.2. Mise en place :
Il faut tendre vers l'horizontale : une vire descendante sera remontante dans l'autre sens, donc grande consommatrice d'énergie ! S'il y a une dénivellation incontournable, mieux vaut prévoir un tronçon franchement vertical, où on utilisera les techniques classiques de descente et de montée. La vire commence bien entendu par un double amarrage, et finit de même… |
Le site idéal est une strate surplombante avec une margelle 1,5 à 2m en dessous qui permettra de poser les pieds pour se délonger. Les spits seront plantés à 10-15 cm environ du bord surplombant, de façon à ce que le nœud de la corde soit dans le vide et ne frotte pas. Le maillon rapide doit être de préférence perpendiculaire à la paroi. Si un seul maillon suffit : utiliser une plaquette coudée ; s'il en faut deux, plaquette vrillée. Espacement entre amarrages : un mètre constitue une distance maximale pour le confort de progression. Songer que, pendu sur un tronçon de corde, il faut pouvoir saisir le tronçon suivant en tendant le bras. Tension entre les amarrages : il faut tendre la corde tout simplement ! Elle doit apparaître horizontale entre chaque nœud. Les puristes réaliseront un "nœud papillon", mais le traditionnel nœud en huit est tout aussi fonctionnel, sachant qu'on n'est pas près de le défaire. Lorsqu'il faudra changer la corde, le couteau constituera l'arme idéale. En cas de passage plus acrobatique (absence totale de prise sous un amarrage par exemple), l'installation d'une pédale de 1,5m de long sera appréciée. Il peut être sympathique de laisser à l'extrémité de la vire quelques anneaux de corde à disposition des futurs visiteurs, pour leur permettre de rééquiper d'éventuels tronçons endommagés. |
2. Franchissement d'une vire
2.1. Equipement personnel
On l'a dit, une vire se franchit avec les longes. Mais dans ce cas précis, il est bien plus confortable de disposer de deux longes de longueur égale. Les spéléos fortunés peuvent disposer du "kit longe double", pour lequel une plaquette percée de deux trous qui se fixe au maillon à vis de ceinture (MAVC) permet un ajustement très simple de la longueur des longes. Les autres disposent de deux solutions : - rallonger la longe courte : il suffit d'ajouter un ou deux mousquetons. - Raccourcir la longe longue ; là, trois méthodes : |
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- 1) la plus rustique : faire un nœud ! Mais vous risquez de le regretter au moment de le défaire… - 2) la plus commune : accrocher son mousqueton de longe dans le MAVC (la longueur est divisée par 2), et placer un autre mousqueton dans la boucle ainsi formée, qui devient le mousqueton de bout de longe. |
- 3) La plus astucieuse : la "longe crollée". Il suffit de placer la corde dans le bloqueur ventral, le réglage peut se faire au millimètre près. Inconvénient minime : si l'on doit remonter sur corde à l'extrémité de la vire, il faudra être pendu sur l'autre longe pour libérer le croll. |
2.2. Technique de progression
Il n'est sans doute pas nécessaire de développer la technique la plus "bestiale" : l'usage des biceps pour se soulever et se longer-délonger… sinon pour rappeler qu'elle peut mener droit à l'incident, et là, bonjour… (voir chapitre suivant).
Ensuite, il est inutile de tenter de se longer dans les amarrages : sauf cas particulier (corde pas assez tendue par exemple), la progression de fait uniquement sur la corde. En fait le seul problème est : comment accrocher une longe sur le tronçon suivant, et décrocher l'autre du tronçon précédent ? Deux méthodes à conseiller (exemple d'une progression de la droite vers la gauche): 2.2.1. L'usage de la pédale Si une margelle bien placée permet de se soulever, pas de souci : la force des bras ne sert qu'à s'équilibrer. Dans le cas contraire, - je sors ma pédale (le bloqueur de main peut rester à la ceinture), - j' accroche le mousqueton de pédale sur l'amarrage - je m'équilibre en tenant le nœud de la vire en main droite - Je saisis le mousqueton de ma longe libre en main gauche - Je me soulève et accroche cette longe dans le tronçon suivant, et dans la foulée je décroche l'autre longe - Ouf… Je récupère ma pédale et l'accroche dans l'amarrage suivant. |
2.2.2. Comme les chimpanzés…
Foin de la pédale ! On se balance… Un minuscule becquet rocheux au bout du pied et c'est parti :
- je saisis la corde du tronçon de vire à ma gauche, de la main gauche, mousqueton de l'autre longe en main droite, - je me balance jusqu'à pouvoir crocheter ma longe libre sur ce tronçon - je profite du balancement du corps en arrière pour décrocher la longe précédente - je profite du balancement en avant pour l'accrocher dans le tronçon suivant dont j'ai attrapé au vol la corde… |
Mais si c'est facile ! Enfin, si tout est installé correctement…
3. Intervention en cas de difficulté.
Que peut-il bien arriver sur une vire ? La grosse ponction ! Le camarade qui se retrouve pendu, les bras ballants, et qui ne peut plus ni avancer ni reculer. Attention : une perte de connaissance, et vous devez être capable d'intervenir immédiatement ! Prévention : on n'y va que si on est en forme, et si on sait comment faire. Assistance : 3 méthodes proposées ci-dessous
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- Je rejoins 1'équipier. - Je relie une poignée à la longe longue de 1'équipier, et la place sur la corde de main-courante. - Je me longe sur ma propre poignée, et la place sur la corde, en avant de celle de 1'équipier. - J'installe une pédale comme indiqué sur le schéma ; |
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On peut agir sur le balancier avec le pied et le poids du corps. La progression se fait en 2 temps : monter sa poignée, monter celle de 1'équipier par balancier, et ainsi de suite.
La méthode décrite ci-dessus est bien-sûr en théorie idéale pour un déplacement horizontal. En pratique, pour l'avoir testée à plusieurs reprises, je la trouve très physique et donc peu efficace. La victime étant en poids sur sa longe il est assez difficile de déplacer sa poignée. Je me permets donc de proposer une méthode un peu différente. a) déplacement jusqu’au fractionnement La victime est pendue sur longe, entre deux fractionnements de vire. Je (le sauveteur) suis sur sa droite, et veux la faire progresser vers moi. - Je place sa poignée sur la corde de vire, derrière son mousqueton de longe courte (coulissement vers la droite). - Je place ma propre poignée en avant de ce mousqueton de longe. - Je me longe (longe longue de préférence) dans les deux trous de ma poignée. - Je relie la corde de vire et le trou du bas de ma poignée par un mousqueton. - J'accroche la pédale qui sert de balancier directement au MAVC de la victime, la passe en renvoi dans ce mousqueton. - Pieds dans l'autre extrémité de cette pédale, je me soulève pour mettre en œuvre le balancier. - La victime va d'elle même se rapprocher de moi et sa longe va se détendre. - A ce moment je fais coulisser au maximum sa poignée vers moi. - En relâchant le balancier, la victime se retrouve pendue sur sa longe, toujours en butée dans sa poignée. - Je peux alors me déplacer un peu pour répéter l'opération jusqu'au fractionnement. b) passage du fractionnement - Dès que la victime se trouve assez proche du fractionnement, j’accroche sa deuxième longe dans le brin de corde suivant. - J’installe cette fois le balancier dans l’amarrage (ajouter un mousqueton éventuellement). - Je soulève la victime comme précédemment, et fais passer sa longe courte de l'autre côté du fractionnement. - La victime se retrouve pendue au milieu du tronçon suivant. Et je recommence la manip… Cette technique, qui est assez simple à mettre en place, limite les frottement au seul balancier et demande juste un minimum de coordination. Son seul petit inconvénient (il en faut toujours un) est qu'il faut une pédale un peu plus longue que la normale pour avoir du débattement. Soit vous avez une pédale réglable, soit vous vous en bricolez une avec un anneau ou en coupant le bout d'une corde. Personnellement, j'ai toujours dans la poche un bout de dyneema de 2 m, avec d'un coté un noeud dans lequel je peux passer le pied et de l'autre une petite queue de vache. Notons aussi qu’il peut s’avérer judicieux de défaire au préalable quelques fractionnements, en ravalant le mou de corde : on a alors moins de nœuds à franchir
En cas d'urgence, si 1'équipier ne peut absolument pas s'aider (blessé ou inconscient), et que la sortie de vire est trop loin ou trop acrobatique, on peut mettre en oeuvre une méthode très rapide qui nécessite seulement une corde de la longueur du puits sous la vire, et un mousqueton. - Je rejoins 1'équipier, et amarre la corde sur la main-courante ou sur le fractionnement le plus proche. - Je mets mon descendeur sur cette corde, avec clé de blocage. - Je longe 1'équipier à moi avec sa longe libre. - Je coupe sa longe qui le relie à la main-courante : il se retrouve pendu à moi. - Je défais ma clé de descendeur, et descends avec 1'équipier en bout de longe au fond du puits. Ensuite, aviser calmement : c'est du secourisme. Evidemment, s'il y a un rétrécissement infranchissable dans la verticale, ou une arrivée de cascade… Mais bon, avec des "si", on n'irait même plus sous terre !
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Références bibliographiques:
Photographies : Rémy Limagne et Jean-Marc Lecoq. Clichés pris lors d'une sortie interclub et d'un week-end formation organisé par la commission enseignement du CSR Normandie (grotte Baudin et gouffre du Jérusalem, réseau du Verneau, Doubs)
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