Groupe d'Etudes |
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Spelunca n°82 - 2ème
trimestre 2001
Rémy LIMAGNE Avec la collaboration de Jean-Marc LECOQ, Hervé TOMAT, Stéphane MENARD |
1.
INTRODUCTION
Depuis longtemps, chacun sait - et c'est tant mieux - qu'un spéléo immobile sur une corde est en danger de mort. Un incident de ce type impose de décrocher cette équipier afin de le déposer au sol de toute urgence, en haut ou en bas du puits. Pour ce faire, il existe une foule de techniques variées, qu'on pourra trouver développées dans Spelunca ou les Manuels Techniques de l'EFS par exemple. La méthode décrite ci-après n'a jamais été publiée. Elle n'est ni moins bonne ni meilleure qu'une autre, mais présente l'avantage d'être facilement maîtrisable et surtout de pouvoir choisir, en arrivant vers l'équipier en difficulté, la direction à prendre (vers le haut ou le bas) et de pouvoir en changer facilement. Elle nécessite d'avoir sous la main une corde (dite "corde d'assistance") et une poulie. Cette corde doit mesurer le double de la distance entre l'amarrage de la poulie, et l'endroit où l'on veut déposer son équipier. Comme initié avec succès dans un précédent article (Spelunca n°46-1992), pour une compréhension sans ambiguité, le sauveteur s'exprime à la première personne. Mais comme on le verra, l'article
va plus loin que la simple description d'une
technique… |
La technique pas à pas :
1. J'installe sur moi un système d'auto-moulinette 1.1. J'installe une poulie sur un double amarrage en tête de puits 1.2. Je sors du kit l'extrémité de la corde d'assistance, et la passe dans la poulie. 1.3. J'accroche l'extrémité de cette corde au moyen d'un mousqueton à vis sur mon MAVC (maillon à vis de ceinture) à gauche du descendeur, et y installe ma poignée + pédale longée (préparation en vue du dégagement.). 1.4. J'installer mon descendeur sur le brin libre enkité, 1.5. Je descends
vers l'équipier en difficulté. |
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2. Arrivé à la hauteur de l'équipier : 2.1. Je me longe à lui au moyen de ma longe courte (ou de la sienne), 2.2. Je fais demi clé et clé sur mon descendeur 2.3. En prenant appui sur ma pédale, j'ôte le mousqueton à vis (de l'extrémité de la corde) et le place sur le MAVC de l'équipier, côté dos du bloqueur de poitrine 2.4. Je retire l'ensemble poignée pédale 2.5. Le balancier est en place : je peux remédier à la cause du blocage ou défaire poignée et bloqueur de poitrine de l'équipier, en le soulevant sans gros effort. |
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3. Et je choisis de… le remonter ? - J'installe ma poignée et mon bloqueur de poitrine au-dessus de mon descendeur - Je retire ce descendeur de la corde - J'entreprends la remontée en me plaçant juste sous la victime - Je remonte (deux fois la distance entre l'équipier et le sommet…) - Une fois arrivé au sommet, je me félicite d'avoir pu placer mon double amarrage suffisamment haut pour pouvoir sortir mon pesant équipier, parce que sinon… ou de le descendre… - Je défais ma clé de descendeur et je descends ! |
Donc, sauf lac insondable en bas de puits et autre site trop inhospitalier, le choix de monter ou descendre la victime sera vite fait ! |
Quelques remarques
- Nous avons testé cette méthode avec une poulie " rescue " (photo). Une poulie ordinaire est parfaitement opérante ; voire un simple mousqueton, mais dans ce cas le balancier devient nettement plus physique. - Attention à l'élasticité de la corde. Nous avons d'abord testé la méthode sur un puits 40 m avec l'équipier à 3 m du sol. Dans ce cas pour pouvoir redescendre l'équipier, nous avons été obligés de passer d'abord en position de remontée car du fait de l'élasticité de la corde, on se retrouve pendu à sa longe courte, sous lui, et il s'avère impossible de le soulever pour ouvrir son bloqueur de poitrine. Pas de problème jusqu'à une vingtaine de mètres (cela dépend aussi du type de corde évidemment). - Au point 2.3. de la méthode, prendre soin de replacer le mousqueton à vis sur le MAVC de l'équipier, côté dos du bloqueur de poitrine : l'accrocher côté gâchette empêchera toute manipulation de cette dernière. - Descente plein vide : il faut absolument éviter de tourner sur soi-même, sinon la corde d'assistance s'enroule autour d'elle même et finit par bloquer la descente. Il est possible de contrôler ce mouvement parasite grâce à la corde d'équipement, en principe à proximité. - Fractionnements ou corde d'assistance trop courte ? La méthode décrite débute par un amarrage "en tête de puits", mais rien n'empêche d'installer la poulie sur le fractionnement immédiatement au-dessus de l'équipier à secourir. - Et les frottements ? Allez, j'ose… Cette méthode permet de tolérer quelques frottements. En effet, la corde d'assistance coulisse sur toute sa longueur, il n' y a pas le risque de cisaillement que provoque un frottement répété sur un même tronçon de corde, comme lors d'une montée aux bloqueurs. Attention néanmoins à ce que le mouvement de la corde ne décroche pas des pierres… et de toutes façons, les frottements réduiront naturellement l'efficacité du balancier, jusqu'à l'empêcher ! Donc : réflexion et discernement. |
Et la prévention ?
Et si on évitait l'incident ? Il n'est certainement pas inutile de rappeler ici quelques conseils élémentaires. Il faut d'abord rechercher les causes possibles à ce genre de problème, et les solutions deviennent évidentes ! Donc : "qu'est ce qui peut amener mon équipier à se trouver bloqué sur la corde ?" - Chute de pierres ? En équipant je nettoie très sérieusement les margelles, je choisis un trajet éloigné des éboulis, je ne traîne pas mon kit en bout de longe au sommet d'un puits… - Crue ? En équipant, j'observe les lieux pour imaginer le trajet de l'eau si le débit augmente et je suis capable d'installer la corde en dehors de ce trajet. Ou bien je me suis intéressé au temps des jours derniers, j'ai cherché des renseignements sur le fonctionnement hydrologique du réseau, j'ai consulté la météo et j'en ai tenu compte… donc j'ai décidé d'aller dans un autre trou ou aux champignons ! - Incapacité technique ? Je m'interroge sur l'expérience de mon équipier. J'ai vérifié son équipement individuel et son réglage. J'adapte l'installation des agrès à sa taille et à ses capacités techniques. S'il le faut, je lui suggère de faire un stage de l'EFS avant… - Fatigue ? J'ai bien prévu eau et nourriture en abondance. Mon équipier n'est pas entré dans le trou déjà fatigué. Le rythme de progression est calculé, et je suis capable de décider du demi-tour avant la ponction. Je surveille son état et s'il apparaît fatigué au bas d'un grand puits, je l'empêche de monter : on s'arrête pour se remettre en forme. Il s'agit là de quelques conseils ELEMENTAIRES de sécurité. Ils peuvent se résumer en deux mots : ANTICIPATION : préparer une explo ne se limite pas à bourrer des cordes et des amarrages dans un kit. Il faut savoir imaginer les risques, et se donner les moyens d'éviter leur réalisation. VIGILANCE : en tout état de cause, se dire capable de faire un dégagement d'équipier en moins de cinq minutes est stérile, si on met un quart d'heure à réagir. Pendant que le copain monte, on s'intéresse à lui, on lui parle, et dès qu'il ne répond plus, on réagit immédiatement. Et foin de la meilleure méthode de dégagement : la technique ne sera jamais qu'un moyen d'atteindre un but !
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